Ce que nous a apporté ce voyage
?
« Et alors, que vous a apporté ce voyage ? »,
c’est la question (bien légitime) que tout le monde
nous pose.
Commençons par couper le cou à quelques utopies que
nous-mêmes partagions avant cette aventure.
En partant en voyage, on imagine que l’on va avoir énormément
de temps, du temps pour faire tout ce que l’on a jamais le
temps de faire. On se voit déjà partir les bras chargés
de livres, de méthodes de langues, de matériel de
dessin, d’écriture, de partitions de musique, d’appareils
photo… enfin tout ce que l’on aime, quoi !
Premier obstacle : les contraintes de volume et de poids liées
au rangement dans la caravane. Très vite, on s’en tient
au strict minimum ou, plutôt, on emporte le maximum possible
après avoir fait des choix drastiques.
Et puis, rapidement, l’évidence s’impose : en
voyage, tout prend plus de temps et la logistique occupe une place
importante. Au début, on se disait que c’était
lié au jeune âge de nos enfants. Mais après
avoir rencontré d’autres voyageurs, nous nous sommes
rendus à l’évidence : les contraintes varient
selon l’âge des enfants (nous, les thèmes récurrents
étaient surtout douches, pots à vider, jeux à
partager et lecture ; pour les plus grands, c’est essentiellement
le suivi scolaire qui monopolise les énergies) mais dans
tous les cas, les contraintes sont fortes.
Et puis, faire sa lessive est souvent un exploit (imaginez-vous
laver vos draps à la mimine), et après ça,
l faut encore laver sa vaisselle avec deux litres d’eau qu’on
a faite chauffer ou trouver LA boutique du souk où acheter
un morceau de beurre…
Finalement, on apprend à prendre du plaisir dans toutes ces
tâches matérielles… si, si, si, j’vous
l’assure, on atteint une sorte d’état méditatif
tout en frottant ses casseroles ou en découpant ses légumes
en morceaux.
Parce qu’une fois qu’on a cessé de se révolter
contre cette omnipotence logistique et qu’on accepte simplement
qu’il en soit ainsi, on découvre que le voyage nous
apporte beaucoup : du temps, pas autant qu’on voudrait mais
du temps quand même, pour faire ce qu’on aime ; et surtout,
une liberté intérieure, celle de réfléchir
sur soi-même, sur ses réactions, sur ce qui nous entoure.
Assis dans la voiture, on s’émerveille des paysages
que l’on traverse, on observe, curieux, les gens que l’on
croise et on réfléchit, on s’évade, on
approfondit, on revient sur cette rencontre que l’on vient
de faire, on relativise la saute d’humeur du matin, on l’analyse,
on la comprend mieux et on en parle à deux.
Car voilà bien ce que nous a apporté de plus fort
ce voyage : une relation de couple approfondie. Quand ça
va pas, pas question d’aller au boulot se changer les idées
(ou, pour certains, se défouler sur les autres). Vous pouvez
toujours aller faire un tour mais le reste de la journée,
votre conjoint est à vos côtés. Assis côte
à côte dans la voiture, chacun regarde la route et
les mots finissent par sortir. On devrait d’ailleurs prescrire
cela comme thérapie de couple en difficulté : «
quand ça va mal, rouler 300 km vers n’importe quelle
destination »… Il y a un effet « divan de psychiatre
». Bref, ça grince, ça coince, mais on finit
par mieux se connaître, se deviner, s’anticiper, se
désamorcer mutuellement. Et on se sent un couple beaucoup
plus fort.
Plus fort intérieurement donc, plus fort en couple également,
plus fort en famille enfin. Parce que partir avec ses enfants, ce
n’est pas évident non plus : quand vos chérubins
ont décidé d’être casse-pieds, pas question
de les confier à la nounou, à l’école
ou au cours de sport. Quand la météo est bonne, les
campings sont assez vastes pour que l’on ne se sente pas les
uns sur les autres. Il est évident que l’hiver, les
15 m² de la caravane mettent les nerfs à rude épreuve.
Comme disent les anglo-saxons aux nouveaux parents « si vous
avez envie de passer votre enfant par la fenêtre, sachez que
c’est normal ; ce qui ne l’est pas, c’est de le
faire ».
Alors, là aussi, on apprend.
Les parents apprennent à maîtriser leurs réactions
mais aussi à accepter qu’on ne peut pas être
zen 24h/24 et que ce qui importe, c’est de ne pas ressasser
sa colère et d’expliquer aux enfants pourquoi, tout
à coup, on a grimpé aux rideaux.
Quant aux enfants, ils apprennent que les parents aussi doivent
faire des efforts pour vivre en groupe. Et il faut bien garder à
l’esprit que pour eux non plus, ce n’est pas forcément
simple de passer 24h/24 avec papa et maman : même s’ils
se font des copains et jouent des heures avec eux, il n’y
a pas ce moment privilégié de l’école
ou du cours de sport, loin du regard parental.
Tout le monde doit donc faire des efforts pour se comprendre et
c’est pour cela qu’on revient plus forts. On se connaît
mieux les uns les autres, on se devine mieux.
Et quel bonheur d’avoir vu grandir nos enfants jour après
jour pendant ces quelques mois : pouvoir attirer leur attention
sur ce qui compte pour nous, pouvoir partager avec eux les instants
impalpables qui font la vie, pouvoir répondre à leurs
questions, pouvoir s’émerveiller avec eux et les laisser
nous transformer, nous modeler.
Quelle meilleure façon de transmettre ses valeurs, de faire
évoluer ses valeurs, de créer nos valeurs communes
?
La vie nomade vous change aussi en profondeur : ces quelques mois
ne nous ont pas fait perdre nos repères, nous continuerons
à apprécier le bonheur d’être chez nous,
le bonheur d’être entourés, liés à
nos familles et à nos amis ; mais on y a gagné en
liberté intérieure. Etre libres, à tout moment,
de rester quelque part un jour, trois jours, une semaine, ou de
repartir dans l’instant. Etre libres, à tout moment,
de s’arrêter où bon nous semble, parce que c’est
beau, parce que l’on s’y sent bien, parce qu’on
a fait une rencontre. Etre libres, à tout moment, d’écouter
ses envies profondes et de mieux comprendre ce qui compte pour nous.
Et savoir qu’au retour, tout cela sera encore possible parce
que c’est finalement plus un état d’esprit qu’il
faut cultiver, pour conserver l’espace que cela a créé.
Ce voyage nous a également offert le plus beau des cadeaux
: des amis, pas autant que nous le pensions au départ peut-être,
mais de vrais amis, de ceux avec qui on partage une façon
de voir la vie, une intimité, une communion. Ca, c’est
inespéré et inestimable.
Au delà de ces développements personnels, que rapportons-nous
? Des souvenirs, des émerveillements, des sensations, des
réflexions sur ces gens, ces vies, ces pays. Faire ce site
Web était une occasion de partager tout cela avec ceux que
nous avions laissés mais cela a été surtout
un formidable moteur pour mieux comprendre, analyser, fixer ce qui
nous entourait. Savoir que vous allez devoir raconter, oblige à
aller au-delà des simples sensations qui nous traversent
en permanence, oblige à comparer, creuser, interroger, être
plus curieux. Et ce site Web va désormais nous aider à
entretenir notre mémoire et celle des enfants. C’est
un formidable album de souvenirs que nous voulons feuilleter souvent.
Car on nous fait souvent remarquer que les enfants étaient
un peu petits pour profiter de ce genre de voyage. Ce n’est
pas exact : ils ont profité de cette formidable ouverture
et de notre présence, ils ont changé intérieurement.
Ils ont également ramené des dizaines de souvenirs
: Paul nous étonne fréquemment quand il évoque
tel ou tel détail qui a marqué ses yeux d’enfant.
Il ne tient qu’à nous désormais de cultiver
cela.
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