Fabuleuse Istanbul
J’sais pas vous mais moi, je m’imaginais Istanbul couverte
de mosquées et de palais du plus pur bleu oriental, une cité
splendide mais sale, grouillante, polluée, bruyante…
une ville en bleu et gris en quelque sorte… qui nous charme
et nous agresse tout à la fois.
Pour ce qui est des mosquées, des palais fantastiques, du
charme et de l’Orient, tout y est… Mais la surprise
c’est qu’Istanbul, c’est aussi une ville plutôt
propre, très occidentale par certains aspects, bien organisée,
avec beaucoup de verdure, des zones piétonnes et des placettes
agréables. Quelques vendeurs de cartes postales essaient
bien de vous fourguer leurs imagettes mais (peut-être parce
que nous ne sommes pas en pleine saison touristique), nul acharnement.
Bref, Istanbul telle qu’on la rêve, en mieux !
Pourtant, nous avons abordé Istanbul par ses faubourgs :
les petits immeubles de 4-5 étages, les quartiers populaires
qui s’étendent entre l’aéroport et le
centre historique, pas plus joli que les banlieues de Paris ou d’ailleurs,
pas plus sinistres non plus… C’est là que se
trouvait notre camping.
Quelques mots s’imposent à propos de ce camping :
un cadre très agréable et même surprenant pour
une si grande ville (un grand espace boisé au bord de la
mer de Marmara) mais là s’arrête le charme. Pas
d’eau potable et surtout pas d’eau douce : la douche
à l’eau salée… je vous déconseille
l’expérience. Des sanitaires en piteux état
et à la propreté douteuse. Une odeur d’eau stagnante
refluant fréquemment du bord de mer, résultat probablement
de la proximité de l’embouchure d’une rivière
– poubelle - égouts. Bref, ce camping avait le mérite
d’exister mais nous n’y sommes restés que pour
dormir, préférant à ces lieux inhospitaliers
la visite passionnante de la ville.
Jérôme nous a rejoint pour une semaine et c’est
ensemble que nous découvrons Istanbul, entrecoupant nos visites
de nos traditionnelles longues et passionnantes discussions.
Notre première soirée tous les cinq nous conduit
dans les bars à musique de la marina. L’occasion pour
Paul « d’aller en boite » comme il dit (suite
à notre sortie avec Gallini et Dimitri à Athènes)
et de danser avec sa maman, comme un grand… Une autre soirée
permettra à Laurent et Jérôme de sortir entre
potes dans les bars et restaus animés d’Istanbul.
Autour de la place de Sultan Ahmet, se dressent Sainte Sophie,
la Mosquée Bleue et la citerne-basilique.
Nous commencerons par la basilique Ste Sophie, la « merveille
des merveilles » : pendant des siècles, ce symbole
de l’empire byzantin fut le plus grand monument religieux
de la chrétienté. L’extérieur, massif,
n’est sûrement pas séduisant : pour résister
aux secousses sismiques et supporter la fameuse coupole, des contreforts
viennent étayer l’ensemble mais le défigurent.
Mais l’intérieur de la basilique dévoile toute
sa splendeur : la coupole, immense, semble flotter tout là-haut,
le regard est comme aimanté par ce fabuleux dôme central.
Nous sommes néanmoins un peu déçus car il reste
peu de choses du faste d’antan : les mosaïques, les fresques
murales, le mobilier liturgique ont disparus. La basilique fut en
effet dépouillée lors de la prise de Constantinople
par les croisés et les divers séismes qui se sont
succédés ont eu raison de la plupart des mosaïques.
Néanmoins, on peut admirer les restes de deux grandes mosaïques
sur fond d’or : là-haut dans les tribunes, celle du
Christ entouré de la Vierge et de St Jean-Baptiste dont les
visages ont une expressivité saisissante et, face à
la porte de sortie, celle de la Vierge et l’enfant Jésus.
Il n’est pas possible que vous ne connaissiez pas ces mosaïques
: elles décorent tous nos livres d’histoire et leur
image imprègne notre mémoire à tous. Elles
sont, il faut l’avouer, splendides : la couleur, les matériaux,
le dessin mais surtout l’expressivité des personnages
sont époustouflants.
Nous continuerons notre découverte par la citerne-basilique
: étrange et fascinant édifice. Il s’agit d’une
citerne byzantine, immense (140m de long, 70m de large, 8m de haut,
80.000m3 de capacité). Restaurée et remise en eau,
la citerne offre un spectacle féerique : on déambule
sur une plate-forme au-dessus de l’eau, au milieu des 336
colonnes et de leurs reflets magiques, éclairés de
lueurs mystérieuses. Beau comme un palais englouti !
La visite se poursuit jour après jour. Avec des enfants,
nous sommes un peu limités en terme de promenade et Jérôme
prolongera nos visites par de longues déambulations au gré
de son inspiration…
C’est maintenant la Mosquée Bleue qui nous invite.
Précédée de jardins et de fontaines, l’élégante
silhouette est le pendant harmonieux de la massive Ste Sophie qui
lui fait face. A l’intérieur, des carreaux de faïence
à fond bleu tapissent les murs, la lumière tamisée
par les nombreuses fenêtres se reflète sur cette symphonie
de vert, turquoise, bleu et nimbe la salle de prières d’une
lueur bleutée, créant une atmosphère toute
particulière. On en reste ébahis… Paul et Yan
découvrent la façon de prier des musulmans : pas de
problème, ils adoptent !
Nous abordons maintenant le fabuleux palais de Topkapi. Ce fut
pendant 4 siècles la résidence principale des sultans
et chacun y apporta des embellissements, construisant des kiosques
en belvédère sur le Bosphore ou la mer de Marmara,
ajoutant une bibliothèque, une mosquée, un patio,
une fontaine, agrandissant sans cesse le harem. L’ensemble
s’étend dans un immense et magnifique jardin planté
d’arbres centenaires… Un ravissement ! Imaginez donc
ces kiosques couverts de céramiques bleues, largement ouverts
sur les côtés pour bénéficier de la brise
du large et écouter le murmure de la fontaine et le chant
des oiseaux… Vous voilà au palais de Topkapi !
Ici, on visite « le trésor » : quatre grandes
salles exposent les plus fabuleux objets ayant appartenus aux sultans,
orgie d’or, de diamants, d’émeraude, de nacre,
d’ivoire, de jade…
Là, c’est le harem que l’on découvre,
ou plutôt une toute petite partie des 300 pièces qui
le composent. Près de mille femmes y vivaient, reine-mère,
favorites, femmes que le sultan avait daigné honorer, parentes,
nourrices, couturières, musiciennes, esclaves… A l’exception
du sultan et de ses enfants, du médecin et bien sûr
des eunuques, aucun homme ne pénétrait dans cet univers
clos.
Chaque jour, nous prenons le taxi depuis notre camping et nous
longeons les fantastiques remparts d’Istanbul : Perses, Arabes,
Huns, tous se succédèrent devant ces remparts sans
parvenir à percer une brèche… Constantinople
l’invincible ne faillit qu’une fois : lorsqu’elle
tomba aux mains des barons de la IVe croisade. Aujourd’hui,
les remparts sont doublés d’un boulevard périphérique
mais aussi de petits sentiers le long desquels se déploie
un inventaire à la Prévert : cimetières, minuscules
prairies où paissent quelques moutons, jardins potagers.
Nous voici dans l’un de ces bus à deux étages
et à ciel ouvert qui permettent de découvrir l’ensemble
de la ville tout en faisant halte où bon nous semble. Nous
traversons ainsi la Corne d’Or pour aller, toujours sur la
rive européenne, dans le quartier de Taksim : boutiques chic
et mode, très modernes. Un vieux tramway y enchante les enfants.
Sur les bords du Bosphore, nous visitons le palais de Dolmabahçe.
Au XIXe siècle, les sultans ont déserté Topkapi
et ont fait construire cet immense palais de style baroque (380
pièces). La vue sur le détroit est splendide. Le palais
quant à lui semble s’être endormi dans son luxe
suranné : grandiose escalier décoré de cristal
de Baccarat, parquets d’ébène et d’acajou,
magnifique hammam en albâtre, avalanche d’or, d’argent,
de cristaux taillés en diamant pour iriser la lumière
des salons immenses.
Dans un petit matin gris, nous nous rendons au pont de Galata pour
prendre un bateau et remonter le Bosphore. Le pont de Galata est
un endroit magique qui condense toute l’âme d’Istanbul
: là où se rejoigne mer de Marmara, Corne d’Or
et détroit du Bosphore, la vie bat son plein… les vapurs
(ferrys faisant l’incessante navette entre rive orientale
et rive occidentale), le tramway moderne, les bus, les taxis, les
innombrables voitures, les marchands ambulants, les piétons
pressés, tout n’est qu’agitation. Nous prenons
un petit déjeuner assis sur de petits tabourets sur le trottoir,
fascinés par cette incroyable ambiance… Nous remontons
ensuite le Bosphore, zigzagant sans cesse entre orient et Occident,
entre les rives boisées, couvertes de splendides demeures,
où se nichent petits ports de pèche et quartiers chics.
Nous faisons ainsi notre première halte en Asie, tout au
Nord du Bosphore, à l’entrée de la mer Noire.
Une petite grimpette nous conduit à un ancien fort d’où
la vue est large et permet d’observer la fantastique activité
du détroit et de l’embouchure de la mer Noire : ballet
incessant de pétroliers, de bateaux de pèche, de croiseurs
militaires.
Une nouvelle incursion dans le vieux Istanbul nous conduit dans
les bazars, immenses structures couvertes accueillant boutiques
en tout genre : souvenirs (lampes, tapis, cuirs…), épices,
tissus (nous achetons des costumes pour les enfants), l’activité
est intense. Tout autour du bazar, les rues se serrent et les boutiques
se succèdent, débordant sur les trottoirs : ici, ce
sont des vêtements, là des papiers, perles et autres
breloques, plus loin, l’électronique ; les gens se
croisent, se pressent ; les vendeurs ambulants proposent du thé
(çay) ou des simits (petites couronnes de pain au sésame)…
Istanbul, l’orientale.
Car voilà Istanbul, véritable trait d’union
entre Orient et Occident. Des boutiques modernes et des bazars,
des gargottes et de superbes cafés avec terrasse, et partout
des collines, de la verdure et la mer bien sûr. Il fait doux,
c’est l’automne méditerranéen, cette ville
nous charme, on se prend à rêver tous trois, Jérôme,
Karine et Laurent, d’une expérience d’expatriation
dans cette ville fascinante, pour la découvrir plus en profondeur,
pour plonger dans cette vie bouillonnante.
Dernier soir, Jérôme fuit le camping rudimentaire
pour le confort d’un hôtel à grand standing.
La famille Cochet au grand complet investit les lieux, les transformant
en véritable aire de jeux et de décrassage : vive
la salle de bains de ces hôtels !
Le lendemain, c’est le départ : Jérôme
s’envole vers Bangkok tandis que nous quittons Istanbul et
traversons le Bosphore par l’un des deux immenses ponts suspendus.
Ca y est, cette fois, nous sommes de nouveau en Asie pour de bon
!
|