Anticyclone
Nous nous arrachons à la douceur de Kiz Kalesi… Nous
voulons rejoindre tranquillement Izmir et avons bien envie de passer
par le centre puisqu’à l’aller, nous n’avions
vu que la côte… Sauf qu’au centre, c’est
un plateau à 1100 m d’altitude où il ne fera
le même genre d’hiver, on le sait bien !!
Ca commence fort d’ailleurs ! Heureusement qu’il fait
beau ce mercredi-là, parce qu’entre la côte méditerranéenne
et Konya au centre, il faut passer un col à 1600 mètres
où hiver rime avec neige, glace, brouillard et vent. Tout
un programme !
Nous avons un peu de chance et pour nous, ce sera seulement brouillasse
et froid. La route est toute gelée mais en roulant au pas,
ça passe sans problème : le 4x4 se rie de tout cela…
mais pas la caravane car nous n’avons pas de chaîne.
De l’autre côté du col, nous retrouvons un copain
: l’anticyclone. Il ne nous quitte plus jusqu’à
notre départ de Turquie, ensoleillant nos journées
et notre moral.
Du coup, tout est beau !
Konya est l’une des villes les plus conservatrices de Turquie
dit-on. Les voyageurs que nous avons rencontrés nous nous
ont décrit une ville à l’ambiance assez inhospitalière,
un exemple de « l’autre Turquie », au cœur
d’une région traditionaliste, loin de la Turquie développée
de la côte que nous avons vue.
Nous étions donc très curieux de « sentir »
la ville.
Est-ce notre copain l’anticyclone, lui qui pare la ville d’une
douce lumière ? Est-ce justement parce que nous avions envie
que Konya nous surprenne et démente l’image qu’on
nous avait donné d’elle ?…
Toujours est-il que nous avons bien aimé Konya. Une ville
étudiante (cinquante mille étudiants), de larges avenues
(même les étroites rues du souk sont bien plus larges
que celles que nous avons arpentées jusque là), des
petits immeubles cossus de 2-3 étages, un tramway, des arbres…
tout cela nous fait beaucoup penser aux villes du Nord de l’Europe.
Nos écharpes, bonnets et polaires renforcent ce sentiment.
Bien sûr, beaucoup de femmes sont voilées mais la plupart
sont habillées de façon très moderne et on
voit autant d’hommes que de femmes dans les rues. A aucun
moment, nous ne nous sommes sentis mal à l’aise.
Nous quittons Konya vers l’Ouest. Les paysages sont splendides,
immenses steppes s’étalant sur ce haut plateau. L’horizon
est barré par de hautes montagnes aux sommets coiffés
de neige. Il fait froid mais le soleil brille dans le ciel bleu
pur et illumine cette terre riche, qu’on imagine couverte
de blés en saison. L’herbe jaune pâle, séchée
par l’automne contraste avec les sillons des champs labourés.
C’est beau.
Nous atteignons le lac d’Egirdir où nous nous arrêtons
quelques heures, histoire de profiter au soleil de l’air pur
et de la sérénité qui règne en ces lieux.
Les cimes enneigées veillent sur ces eaux turquoises où
se balancent des barques, amarrées dans le petit port perdu
au milieu des roseaux. Lamartine aurait sûrement aimé
cet endroit magique.
Nous dépassons Isparta, la ville des roses où l’on
produit essences et parfums, et quittons les axes principaux pour
musarder dans la campagne en direction de Denizli. La région,
vallonnée, est variée : plaines couvertes de champs,
collines escarpées, petits lacs. Nous traversons divers villages
: avec leurs petites maisons aux toits de tuiles, ils ressemblent
beaucoup à ceux que l’on voit dans le Dauphiné…
Peu de tracteurs flambant neufs cependant et un peu plus de bric
et de broc dans les cours.
Nous faisons du camping sauvage sur la plage du lac Salda, un lac
splendide ourlé d’une plage de sable blanc éclatant.
Et nous atteignons Pamukkale, le « château de coton
», un endroit étonnant, vu et revu sur tous les dépliants
touristiques de la Turquie. Depuis des milliers d’années,
des sources chaudes chargées de sels calcaires ont façonné
une petite falaise en une cascade aux formes étranges, d’une
blancheur éblouissante, s’alanguissant dans de splendides
vasques et de grands bassins aux eaux bleues comme des opales.
Le premier contact est cependant affligeant : le site n’a
pas été protégé dans le passé,
les hôtels se sont multipliés, les sources ont été
captées, les vasques étaient à sec et la roche
se couvrait de tâches jaunâtres.
Heureusement, le site est désormais protégé
et sur le haut de la cascade, on est séduits par l’étrangeté
du lieu, qu’on le veuille ou non.
Pour la plus grande joie de Paul et Yan, nous pataugeons un moment
dans la rivière et les vasques. Une chance néanmoins
que nous soyons hors saison car les touristes sont malgré
tout nombreux, une bonne dizaine de bus s’alignent sur le
parking.
Le soir, nous nous éloignons dans la montagne et trouvons
un petit coin calme où nous campons, un ciel étoilé
magnifique veille sur nous.
Nous atteignons Çesme à cent kilomètres à
l’Ouest d’Izmir. C’est de là que nous pourrons
rejoindre la Grèce en ferry. Nous restons quelques jours
dans un camping très agréable (Vekamp), au bord de
la mer, sous les pins et les palmiers, un endroit très calme
et très reposant. Dommage que les sanitaires soient sales
et franchement rustiques !
L’écran de l’ordinateur portable a décidé
d’arrêter là son voyage… Nous en profitons
pour explorer Izmir : à l’aller, nous avions traversé
cette ville immense (troisième ville de Turquie), polluée
et encombrée, sous une pluie battante… Autant dire
que l’impression n’était pas terrible. Cette
fois, sous le soleil d’hiver, Izmir a plus de charme : grande
métropole certes, mais possédant une séduction
toute méditerranéenne faite de grandes avenues bordées
de palmiers et de longues promenades en front de mer.
Après une recherche sur le net et une petite heure d’exploration
pédestre qui nous fait découvrir le tissu des petites
boîtes d’informatique de la ville, nous dégotons
LA bonne personne : le patron d’une petite société,
qui a fait de son hobby une activité lucrative et qui répare
les ordinateurs le soir, dans son garage transformé en laboratoire
d’électronique. Nous lui confions notre PC et il nous
le rend le lendemain… en bon état de marche ! Nul doute
qu’en France, nous n’aurions jamais eu autant de chance
!
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